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Presse écrite : 


Enfin un article critique sur le bavardage médiatique !




Le chroniqueur Stéphane Foucart a publié sur lemonde.fr, le 14 avril dernier, un article critique du bavardage politique et médiatique intitulé « Le bavardage politique des plateaux étouffe et dépolitise les préoccupations environnementales ». 

Son argumentaire concerne donc l'écologie : « Les commentateurs de plateau des chaînes d’info en continu sont devenus les principaux agents de la relativisation ou de l’euphémisation des faits scientifiques en lien avec l’environnement. Ils s’imposent comme une des causes majeures de l’étouffement, de la relégation et de la dépolitisation des préoccupations environnementales ». 


Le plus important sur ces sujets n'est pas le thème choisi pour le « débat » (?) de plateau mais le dispositif et la durée de diffusion -24 h sur 24 du côté des « chaînes d'information en continu ». Le chroniqueur du Monde aurait donc pu dire sensiblement la même chose dans les domaines de la politique, de la technologie, des problèmes de société, de la délinquance, des crimes et enlèvements d'enfants, de la question du genre, de l'économie, du sport enfin, où le niveau de non-dit n’a d'égal que l'intensité du bavardage. Et puis, évidemment, aussi de la guerre, omniprésente, inépuisable et tragique filon pour beaucoup de médias.


Bien sûr, selon le domaine concerné, on trouvera des nuances et même des différences de l'un à l'autre mais elles ne suffisent pas pour autant à faire un véritable débat. Nous analyserons pourquoi dans un prochain texte : le sujet est trop vaste…

En attendant, et parce que ce type d'article est infiniment trop rare (cf. cependant, sur mon site, « Journalisme de sport : peut-on critiquer ses confrères ? », 3 mai 2023), remercions Stéphane Foucart et Le Monde. Il faut maintenant insister, aller bien plus souvent au fond des choses et surtout des dispositifs, ne pas laisser le bavardage soit s’auto-annuler soit tourner à l’aigre, au clash voire à la haine. L'enjeu est de taille pour l'espace médiatique, et pour nous tous. 




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La VAR au foot, illustration de notre société du bogue 

Ce matin, j’ai passé une demi-heure dans un magasin d’informatique et payé quelques dizaines d’euros pour faire raccorder ma nouvelle imprimante à mon ordinateur. Cela faisait trois jours que quatre personnes -et pas tous des nuls en technique- s’escrimaient avec moi, en vain, pour y parvenir. Le technicien informatique de ce jour, lui, a eu besoin tout de même d’une bonne vingtaine de minutes pour résoudre l’énigme et me remettre une imprimante enfin raccordée. Jusqu’à nouvel ordre… Il a dû pour cela faire voltiger jusqu’au vertige des icônes et des liens. Si l’on compte nos efforts conjugués à nous cinq, nous devons être au moins à trois heures de travail pour une opération théoriquement anodine, et même de rien du tout.

 

Peut-on appeler ça un bogue (ou un bug) ? Pas vraiment : rien en effet n’est tombé en panne, tout en somme a fonctionné mais affreusement laborieusement, et pour aboutir à un résultat et obtenir satisfaction, il fallait juste être un expert !

 

 

La société du bogue

 

Si on inclut dans cette intervention le coût de l’imprimante (ne parlons même pas de celui de l’ordinateur), la somme finit par être rondelette. En réalité, et au-delà de l’opacité mentionnée ci-dessus, les portables qui ne marchent pas, les logiciels constamment dépassés, les pannes diverses, nous en subissons tous les jours en matière de technologie. Nous vivons dans une société du bogue. Or ce sujet est remarquablement absent du débat public.

 

J’ai une franche horreur du complotisme mais il est difficile de ne pas imaginer que les fabricants d’informatique n’ont pas intérêt à ce que leurs machines marchent trop bien, ni que leurs modes d’emploi soient clairs et compréhensibles. Tous ces dysfonctionnements nous conduisent en effet directement chez les sociétés de maintenance, ou le propre service après-vente des fabricants, et la plupart du temps ces services nous sont facturés. C’est donc tout bénef pour tout le monde (sauf l’utilisateur) et une entente entre ces deux types d’acteurs est plus que probable, quasi certaine.

 

On connaît déjà le scandale de l’obsolescence programmée -certaines imprimantes, par exemple, ne doivent surtout pas fonctionner plus de X années… -mais le scandale des bogues omniprésents est largement passé sous silence. Pourquoi donc ? Nombre de journaux et magazines dépendent de la publicité des fabricants d’informatique et d’électronique. Des critiques trop ouvertement formulées, dénonçant frontalement ce système pervers et malhonnête -qui s’exerce au grand détriment des consommateurs- entraînerait  directement des pertes de budgets publicitaires qui pourraient s’avérer mortelles pour les firmes d’électronique comme pour les journaux. Je ne parle ici que de la presse écrite, mais que dire des médias audiovisuels, littéralement ligotés à la pub et qui chantent en continu la gloire des techniques nouvelles dites de « communication » ?

 

 

VAR et bogues

 

Au fait, que vient faire ici l’arbitrage vidéo appliqué au football (la VAR) ? Il y existe certes des cas de bogues au sens strict. Bon nombre d’incidents ont été signalés où la VAR est tombée en panne et où l’assistant-vidéo (le VAR) était aux abonnés absents. Plus encore, en match retour de la finale de la Ligue des Clubs Champions d’Afrique 2019, à Tunis, la moitié du matériel nécessaire à l’installation de la VAR n’est pas arrivé à destination, rendant impossible l’utilisation du système.

 

La VAR au foot n’est donc pas principalement un exemple de bogue tel que nous l’entendons de nos jours. Mais c’est encore pire : elle est en soi, plus largement, un bogue puissance cinq ou six. Pourquoi ? D’abord parce qu’elle marche mal et qu’elle est lente et lourde. Ensuite parce que, une fois mise en place, elle relève du principe de réalité. Elle fait désormais partie du système et du monde du foot. Celui-ci est rongé  de l’intérieur par la télévision, comme chacun sait ou devrait le savoir. La VAR est donc un bogue au sens large, c’est-à-dire quelque chose qui ne fonctionne pas -ou plutôt très mal- mais aussi dont les conséquences sur ce à quoi elle s’applique sont désastreuses. Seulement voilà, cette chose est là, donc, selon beaucoup de monde, il n’y a plus rien à faire, la messe est dite !

 

Le débat -ou plutôt l’agitation désordonnée- qui a précédé la mise en place officielle de la VAR au Mondial 2018 n’est plus de mise. Certes on assiste encore à des débordements de bile de présidents de clubs râlant contre elle -ainsi Jean-Michel Aulas, président de l’OL : « La VAR est une plaie pour le foot » (septembre 2021)- mais la supprimer, vous n’y songez pas ! La réformer, oui, ils sont nombreux qui le veulent et le disent. Toutefois, comment réformer un système inapproprié, vicié à la base, comment gommer les effets de cet énorme bogue ?  Impossible.

 

Pour en savoir plus :

https://www.lemonde.fr/blog/latta/2021/10/01/pourquoi-la-var-ne-laisse-le-choix-quentre-differentes-frustrations/

https://lecorner.org/edito-pourquoi-la-var-cest-tout-ou-rien

 

 

Un dispositif irréformable

 

Beaucoup de salive, d’énergie, de temps, de mauvaise foi et disons-le, d’imbécillité, se déversent actuellement pour réformer un dispositif irréformable. C’est aussi dans ce sens que la VAR peut être considérée comme un bogue géant, une très mauvaise idée, un dysfonctionnement majeur par rapport au football et à son esprit. C’est dorénavant un bogue institutionnalisé, un reflet parfait de l’air du temps : foi aveugle dans la soi-disant « vérité » de l’image, absence de vraies remises en cause une fois le système en place, intérêts personnels et d’image écrasants pour Gianni Infantino -président de la FIFA- et ses fantasmes opportunistes et pseudo-modernistes.

 

Alors que la progression des troupes russes en Ukraine est commentée presque mètre par mètre par des commentateurs et anciens militaires (dont certains excellents d’ailleurs, comme le grand reporter Didier François et le général Dominique Trinquand sur LCI), pas un mot ou presque, et encore moins une analyse, n’est accordé à un phénomène extraordinairement révélateur du fonctionnement de notre société : notre croyance quasi inconditionnelle dans l’image et le pouvoir écrasant de la télévision sur le football. Que les télés ne veuillent pas s’autocritiquer, on l’a compris depuis longtemps. Et il ne s’agit évidemment pas de dire que la guerre n’a pas d’importance, mais qu’il devrait y avoir bien davantage de place sur les antennes pour ce qui fait aussi nos vies. Or l’absence de vraies démocratie et diversité est navrante dans bien trop de médias.  

 

 

Les médias pas à la hauteur

 

Il y a pourtant là tant à dire, avec compétence et pertinence, sur le filmage des révoltes des gilets jaunes, le réchauffement climatique, la honteuse inégalité sociale chronique de notre société, enfin sur le foot et son arbitrage, jetés en pâture à la télévision et au mythe de « l’image vérité ». La disproportion est flagrante entre certains sujets massivement traités sur les chaînes télé d’info, jusqu’à l’obsession (avant : le Covid, maintenant l’Ukraine) et d’autres thèmes complètement ignorés. Depuis la mise en application concrète du système, la critique de la VAR est devenue absente des écrans, hormis un coup de gueule ici et là dans la bande de potes de L’Equipe TV, chez Olivier Ménard : autant dire rien. Les effets pervers de la télévision et de la technologie sur le premier sport du monde passent à l’as. Un profond rééquilibrage vers plus de démocratie est urgent.

 

Nous suivrons ici le moindre frémissement allant dans le bon sens. À ce jour -au risque de radoter…- il n’y a que les formidables cahiersdu football.net et à un degré très moindre mais non nul, l’Afterfoot qui vont dans cette direction. C’est tellement peu !

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juil. 16, 2022
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